Michel Serres fait partie des premiers et des rares intellectuels officiels à s’être risqué à utiliser la Bande dessinée pour justifier un aspect d'une théorie universitaire, en l’occurrence celle que le philosophe avait rédigée à propos de « la communication ». Publié en 1972, par les prestigieuses Éditions de Minuit, Hermès II - L’interférence se proposait de démontrer que « rien n’existe, que rien n’est pensé, que nul ne perçoit ni n’invente s’il n’est un récepteur mobile plongé dans un espace composé d’une multitude d’émetteurs ». Vous comprendrez qu’avec de tels projets, et à condition de souhaiter que sa pensée se propage au sein de la population non initiée au langage philosophique, il était nécessaire de vulgariser un raisonnement rendu parfois opaque en raison d'une érudition foisonnante. Michel Serres fit le bon choix, puisqu’il fit appel aux Bijoux de la Castafiore dans le but de mettre en lumière (ce qui est un comble quand il s’agit de sons) que c’est avant tout la cacophonie qui occupe l’espace... et que cette cacophonie est le dénominateur commun de notre rapport aux autres (un peu comme l’ambiance qui règne au château de Moulinsart à l’occasion de l’album Les Bijoux de la Castafiore).